Quelques réflexions sur la composition de la Cour internationale de justice

Réflexions sur la composition de la Cour internationale de justice

María Teresa Infante Caffi

  •  Des définitions autour de l’organe judiciaire principal des Nations Unies

Le sujet que je dois introduire m’amène à poser la question suivante : pour quoi examiner la Cour International de Justice (la Cour) du point de vue de sa composition ?

L’idée serait de porter une vision fraîche sur les éléments qui entrent en compte dans les débats sur la composition de la Cour, tout en admettant qu’il ne s’agit pas d’un organe de représentation politique voire d’experts, même si elle fait partie d’une organisation à vocation mondiale et créée par des Etats. Sur la question de savoir si la Cour est toujours susceptible de nouveaux regards concernant sa composition, c’est donc avec une vive curiosité que j’essaie de transmettre quelques idées à ce sujet-là.

La Cour Internationale de Justice constitue non seulement l’organe judiciaire principal des Nations Unies, mais sa permanence et son influence se fonde sur des éléments tangibles et immatériels qui combinent qualité, confiance et indépendance. Il y a aussi la valorisation de la compétence matérielle de la Cour, contentieuse et consultative, du rôle du consentement des états, et le poids subtil de la jurisprudence.

Je ne vais pas analyser les raisons pour lesquelles un état individuel accepte la compétence obligatoire d’un tribunal permanent ou s’il montre une préférence pour des méthodes alternatives. L’Amérique Latine a eu des tendances cycliques à ce-sujet et un même état a pu montrer une pluralité d’approches simultanées selon la nature des matières et leur rapport avec d’autres thèmes présents dans les relations avec les différents états concernés.

Mon message en tant que membre du Tribunal International du Droit de la Mer est porteur d’un regard de respect et de collaboration au sein d’un système de règlement des différends duquel participe la Cour et où ses opinions et décisions fondés sur le droit international sont pertinentes au-delà des cas concrets. Il y aussi une perspective de paix et de sécurité internationales qui peut être applicable à ces tribunaux et leur rapports mutuels.

D’autre part, il peut s’avérer pertinent d’examiner le travail des tribunaux autres que la Cour, comme c’est le cas du Tribunal, à travers les décisions et raisonnements qui intègrent des points juridiques soulevés par celle-là. La relation entre les deux tribunaux indépendants a ouvert des perspectives qui surmontent les débats sur la fragmentation et qui reflètent plutôt une compréhension sur la proximité entre les systèmes et les méthodes de travail.

La Cour et ses membres.

En ce qui concerne les débats sur la composition de la Cour, plutôt académiques au sens large du terme, ils montrent la présence des plusieurs points de vue, qui peuvent se systématiser autour des éléments suivants :

− Le processus de sélection des candidats sur le plan national, et les accords intergouvenermentaux de soutien réciproque.

−    La nomination et l’élection sur le plan international.

− La représentativité des critères de nationalité et des systèmes juridiques au sein de la Cour.

−    Les incompatibilités et les garanties d’indépendance et d’impartialité.

−    Le place et le rôle des juges ad hoc.

− Les questions de genre et l’incorporation des femmes au sein de la Cour. Il y a aussi, la question de la composition des délégations des états présents devant la Cour.

Plus récemment, l’intérêt porté sur la composition de la Cour semble être inspirée dans des intentions de changements de quelques aspects formels et de son intégration sans toucher à sa compétence et sa place dans la Charte des Nations Unies. C’est plutôt dans les couloirs diplomatiques que ces inquiétudes s’expriment avec plus de force, même si elles ne sont pas dépourvues d’intérêts plus particuliers.

D’autre part, les règles et pratiques portant sur l’élections des juges de la Cour reçoivent aussi l’impact des discussions qui se tiennent dans d’autres institutions judiciaires. Je pense aux tribunaux pénaux internationaux, aux systèmes judiciaires de protection des droit humains et aux organes de règlement de différend d’ordre économique, où des méthodes d’examen des qualités des candidats ont été mis en place. Dans cet examen, des associations non- gouvernementales peuvent jouer un rôle de conseil pour mieux apprécier les

candidatures. Les études sur le Juge International menées par l’Institut de Droit International entre 2001 et 2011, ont montré une vue d’ensemble à cet égard1.

Curieusement, on trouve déjà en 1952 des débats sur le sujet au sein de l’Institut de Droit International. Ils montrent le choix entre opérer sur la Cour par voie des changements des règles, ou par voie des adaptations par la pratique et l’expérience2. En 1952, l’accent a été mis sur des questions plutôt procédurales concernant l’opportunité de l’élection des juges, et les soins pratiques pour accentuer le caractère non politique de cette élection. Ceci accompagné par des mesures de séparation des élections relatives aux autres organes des Nations Unies. Il a aussi été suggéré que les communications entre les organes chargés de procéder à l’élection simultanée devraient être évitées, en dehors de l’annonce des résultats.

La préoccupation de l’époque semblait être plutôt fondée sur la liberté d’élection de la part des Etats pour choisir à partir des seules qualités personnelles des candidats, même si en fait les conditions géographiques ou politiques des pays dont ils sont les ressortissants pouvaient entrer en ligne de compte.

Dans le temps, la communication du juriste Guerrero mettait l’accent sur les mesures d’ordre administratif qui pouvaient assurer l’application de l’article 2 du Statut conformément à sa lettre et à son esprit3. Ce sont les mots du rapport à l’occasion. Je rappelle que l’article 2 du Statut de la Cour dispose qu’il s’agit d’un corps de magistrats indépendants, élus, sans égard à leur nationalité, parmi les personnes jouissant de la plus haute considération morale, et qui réunissent les conditions requises pour l'exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hautes fonctions judiciaires, ou qui sont des jurisconsultes possédant une compétence notoire en matière de droit international.

Mais l’article 9 du Statut ajoute des éléments plus dynamiques à cet – égard : les électeurs doivent avoir en vue que les personnes appelées à faire partie de la Cour, non seulement réunissent individuellement les conditions requises, mais assurent dans l'ensemble la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde. Des doutes peuvent surgir d’une lecture non-systémique de ces normes.

L’idée que les juges devraient être élus sans égard à leur nationalité doit se placer dans un contexte juridico-politique où ce sont les groupes nationaux de la CPA

1 G. Guillaume (rapporteur), La situation du juge international, Annuaire de l’Institut de droit international, Vol.

74, Session de Rhodes, 2011, 124-130. idi-iil.org/app/uploads/2017/06/Question1.pdf

2 J.G. Guerrero (rapporteur), La composition de la Cour internationale de Justice, Institut de Droit International, Session de Sienne, 1952. Idi-iil.org/app/uploads/2017/06/1952_sienne_02_fr.pdf

3 Ibid.

qui participent à la présentation des candidatures. Ces groupes seraient doués théoriquement d’une qualité qui mènerait à se différencier des intérêts individuels et des conditions géographiques des états en particulier. Derrière cette pensée il y a aussi l’idée qu’il faut lutter contre la concurrence périodique entre candidats de certaines nationalités et que le moment est venu pour envisager une plus large diversité de nationalités. Néanmoins, les groupes nationaux ne jouent pas dans un milieu tout à fait détaché des gouvernements ou des intérêts des états4.

De l’évaluation d’ensemble de ces aperçus, surgit la proposition de renforcer l’application de l’article 2 et de proposer qu’ils soient les qualités personnelles des candidats celles qui justifient leur élection. Cela pourrait être plus important que les éléments énoncés dans l’article 9, sur la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde.

Il s’agit d’une question qui se pose de nouveau dans un travail du professeur Gross dans les années soixante-dix5. En plus, il a été aussi discuté sur la possibilité d’introduire un élément qualitatif dans l’acceptabilité des candidatures selon lequel, il serait indiqué dans chaque cas si le candidat est nominé par un état ayant accepté la compétence obligatoire de la Cour.

Dans le cas de la Cour, on peut constater qu’il y aussi eu d’autres vues qui auraient voulu aller plus loin en matière de sa composition. Selon cette tendance, le Statut devrait refléter l’idée que l’élection des juges n’est pas soumise à des critères qui donneraient un avantage à certains états pourque ces nationaux soient élus comme magistrats de la Cour. On voit que le commentaire s’adresse à la présence continue des nationaux des pays membres permanents du Conseil de Sécurité.

En pratique, ces éléments n’ont pas été retenus par des raisons que nous pouvons bien comprendre, même si le système international a évolué depuis le temps de ces études.

Dans le Tribunal du droit de la mer, la répartition géographique équitable est sujette à un système de distribution régionale obligatoire dont un siège est rotatoire parmi les régions de l’Europe occidentale, des Etats africains et des Etas asiatiques. La formule est encore plus détaillée dans le cas de la Cour pénale internationale, où le nombre de 18 juges permet un jeu large de représentativités.

En ce qui concerne la nomination des candidats et le rôle des groupes nationaux de la CPA, théoriquement, la nomination suit une méthode sui generis, ou les

4 E. McWhinney, Judicial settlement of disputes. Jurisdiction and justiciability, Hague Academy of International Law Collected Courses, 221, 1990, 129-132.

5 L. Gross, «The International Court of Justice: Consideration of Requirements for Enhancing its Role in the International Legal Order”, The Future of the International Court of Justice, L.Gross (éditeur), Vol. I. New York, Oceana Publications, Inc. 1976, 48-51.

états n’agissent pas de façon directe. En réalité, dans une majorité de cas les états suivent une procédure mixte, tant en ce qui concerne la nomination comme sur le vote.

On constate d’autre part, que dans plusieurs états la nomination et l’élection sont l’objet des consultations entre les gouvernements et les groupes nationaux. Il y a même la pratique des échanges de vote entre les états, pratique non – recommandée dans d’autres tribunaux mais qui semble incontournable.

Les règles du Statut de la Cour indiquent que les membres de la Cour permanente d'arbitrage appartenant aux Etats qui sont parties au Statut, ainsi que les membres des groupes nationaux désignés conformément au paragraphe 2 de l'Article 4, vont procéder dans un délai déterminé, par groupes nationaux, à la présentation de personnes en situation de remplir les fonctions de membre de la Cour. L’article 6 du Statut recommande en plus, que des consultations soient conduites au sein des groupes académiques, de la plus haute cour de justice de chaque état, etc.

Nous voyons aussi un autre élément qui peut entrer en ligne de compte ; c’est la relation entre la nationalité dont le juge doit se montrer détaché et son affiliation a une culture judiciaire, soit de droit civil soit de common law. Cette une réalité aussi présente au sein des régions géographiques et on ne pourrait pas leur adresser une vue dogmatique, mais la possibilité de la rotation pourrait aider à trouver certains équilibres d’ensemble.

La question qui se pose à cet égard est la suivante : si des changements dans la façon de nominer les candidats seraient adoptés, serait – il vraie que cela aboutirait à une plus fine dépolitisation de la procédure ?

C’est un débat qui n’est pas absent dans d’autres domaines judiciaires, comme la Cour Pénale Internationale. Ici, les élections des juges tous les trois ans pour une période de neuf ans, se soumettent à des conditions de représentativité des genres, des formations ou des antécédents professionnels, ainsi que des critères géographiques. Même avec ces règles, les états partis au Statut de Rome ont établi une commission consultative d’évaluation des candidatures. Et les élections deviennent une très complexe opération.

  • Quelques questions concernant le nombre et les conditions requises pour les membres de la Cour

Sur la possibilité d’une augmentation du nombre de magistrats, déjà en 1954, dans les Études des amendements à apporter au Statut de la Cour, dont le juge Max Huber fut le rapporteur, l’IDI a soutenu que « il y a lieu d’éviter une augmentation du nombre des juges, qui serait de nature à rendre plus difficile les délibérations de la CIJ ». Et si « néanmoins des circonstances nouvelles rendaient nécessaire une certaine augmentation le nombre des juges ne devrait pas excéder dix-huit »6.

À l’époque la question de la durée des fonctions des juges a été soulevée. Au sein de l’IDI le sujet a été avancé pour renforcer l'indépendance des juges. C’est ainsi qu’en 1954, il a été proposé de porter la durée des fonctions à quinze ans -sauf limite d’âge - en supprimant la rééligibilité7. Le sujet n’a pas reçu une attention décisive.

D’autre part, en ce qui concerne les incompatibilités entre les activités extérieures et les fonctions des magistrats de la Cour, les règles du Statut contenues dans les articles 16 et 17 sont claires, et comme il a été remarqué par le rapport présenté à l’IDI para la Commission sur la Situation des Juges, présidé par le juge Guillaume, une priorité absolue aux travaux de la juridiction à laquelle les juges appartiennent, doit être accordée8.

En général, ce que les articles 16 et 17 du Statut établissent ne posent pas des controverses : Ces articles sont censés d’établir une garantie d’indépendance du pouvoir administratif et politique des états, et ils ont servi de modèles pour d’autres Statuts. En cas de doute, la Cour décide.

Entre l’égalité des parties à un litige et leur droit à être représentées, ou l’idée que les juges ad hoc produisent une intromission de la politique dans le système judiciaire, il y a des analyses diverses et non-conclusives.

L’Institut proposait en 1954 que si l'on ne pouvait pas mettre fin à l'institution des juges ad hoc, il serait en tous cas hautement désirable d'entourer leur nomination de garanties autant que possible équivalentes à celles applicables à la nomination des juges titulaires9. On disait à l’époque qu’on pourrait par exemple confier leur désignation au groupe national de la Cour permanente d'arbitrage relevant de l'Etat intéressé ou au groupe national désigné par le gouvernement conformément à l'article 4, § 2 du Statut.

Tout cela reste très théorique et s’éloigne des perceptions des états qui sont ceux qui se présentent devant la Cour et sont soumis à ses décisions. La même analyse peut être adressée à l’idée avancée dans des domaines doctrinaires sur la possibilité d’assimiler le juge ad hoc à un assesseur avec droit de vote10.

6 M. Huber, « Étude des amendements à apporter au Statut de la Cour internationale de Justice », Institut de Droit International, Session d’Aix-en-Provence 1954, idi-iil.org/app/uploads/2017/06/1954_aix_03_fr.pdf

7 Ibid.

8 Rapport G. Guillaume, op.cit.

9 Rapport M. Huber, op.cit.

10 M.N.Shaw, “The Concept of Judge Ad Hoc”, Rosenne’s Law and Practice of the International Court: 1920- 2015, Brill Nijhoff, Leiden, 2016.

Finalement, quelques remarques sur la composition de la Cour et la participation de différents sexes. Ce thème a été présent dans les élections à la CIJ tenues en 2021, et certainement, le fait que les femmes se soient incorporées dans la Cour seulement à partir de années quatre-vingt-dix, et en nombre de cinq, montre qu’il y a un déficit de participation dans ce domaine. Le cas d’autres tribunaux est pareil. Dans le Tribunal International du Droit de la Mer, la première femme – Juge Elsa Kelly - est devenue magistrat en 2011. Dans la Cour, la première juge date de 1995, Mme. Rosalyn Higgins. Il y a bien sur les précédents de femmes agissant en tant que juges ad hoc.

Dans ces débats, on constate une liaison entre deux aspects, l’inclusion de la perspective de genre et la préparation et la sélection des candidatures de juges au niveau national. Des études sur l’insuffisante présence de femmes au sein des tribunaux internationaux, expliquent aussi que comme dans le cas des candidatures, il y a aussi une similitude avec le nombre limité de femmes qui comparaissent devant la Cour. Cette affirmation doit être nuancée par l’expérience des dernières années, tant dans le cas de la Cour comme du Tribunal du Droit de la Mer. De même en ce qui concerne la Commission de droit international, qui montre une certaine tendance vers le changement.

Une étude de la juriste Nienke Grossman expose des arguments sur la présence soit institutionalisée, soit résultant des situations de fait, des femmes dans les tribunaux internationaux11. Il semble fondé de dire que la participation des femmes a été mieux avancée dans le cas des tribunaux dont les statuts prévoient des règles minimales à ce propos.

Mais, derrière ce phénomène il y a un autre qui est moins visible, mais réel. C’est la préparation pour la présentation de candidatures et la méthode de sélection de candidatures prioritaires au sein des états.

11 N. Grossman, “Achieving sex-representative international court benches”, American Journal of International

Law, 110, 2016, 1, 82-95.

On s’aperçoit bien que la sensibilité sur ce sujet a évolué avec les années, et que la procédure de sélection des candidatures reste toujours à être améliorée.

Mme la professeur Szurek, dans une étude très riche en information et analyse, rappelait qu’une représentation équitable entre les hommes et les femmes, était aussi une forme de donner vie au principe énoncé dans la Charte de l’ONU sur la dignité et la valeur de la personne humaine, et l’égalité des hommes et des femmes, ainsi que ce que l’article 8 dit12. Je cite : « Aucune restriction ne sera imposée par l’Organisation à l’accès des hommes et des femmes, dans des conditions égales, à toutes les fonctions, dans ses organes principaux et subsidiaires »

Finalement, il y d’autres éléments à tenir compte en ce qui concerne la structure de la Cour, tel que l’organisation du Greffe et les experts qu’y travaillent, les documents, sa production et les archives, l’équipe administrative et de relations avec l’extérieur, entre autres. Mais le statut des juges, leur indépendance et les garanties nécessaires pour accomplir les devoirs inhérents à ses fonctions, nous semblent résumer ce qui est essentiel dans un tribunal comme la Cour Internationale.

Avec cette aperçue générale, j’ai apporté une vision personnelle sur un sujet qui touche à l’essence de la personnalité et la présence mondiale de la Cour, son pouvoir liée à sa compétence, le consentement des états et la place du tribunal au sein du système des NU. Ceci a une face qui mérite d’être mise en valeur : sa composition et la qualitè des juges auxquels les états confient le règlement de leurs affaires et dont la qualité morale et l’intégrité intellectuelle reste essentiel.

Últimas noticias

¡Bienvenidos al IEI!

Ayer el Instituto de Estudios Internacionales de la Universidad de Chile recibió a la nueva generación de alumnos que a contar de este año se incorpora a sus Magíster. En tanto, esta mañana fue el turno de su nuevo programa: el Doctorado en Estudios Internacionales.

IEI inauguró “Book Corner” de ASEAN

El lanzamiento oficial de esta iniciativa se dio en el marco del inicio del curso de verano “Conociendo ASEAN: diplomacia, desarrollo y desafíos comunes”, organizado por el Programa de Estudios sobre Asia del Instituto y el Comité ASEAN Chile.